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Visioconférence : une victoire en demi-teinte devant le Conseil d’Etat

Les opposants à la visioconférence ont remporté une nouvelle bataille devant le Conseil d’Etat au coeur de l’été. Par une décision du 4 août, celui-ci a annulé l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020 prise dans le cadre sanitaire qui étendait sans condition le recours à la vidéo-audience en matière pénale. Toutefois, certains regrettent que cette annulation ne soit pas rétroactive. 

La victoire, hélas pour les requérants, restera de l’ordre du symbolique. Mais le combat étant lui-même en partie affaire de principes et de symboles, c’est toujours ça de gagné.

Par un arrêt du 4 août (texte intégral en fin d’article), le Conseil d’Etat a annulé l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020 qui prévoyait l’utilisation de la visioconférence dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire devant toutes les juridictions pénales, sans le consentement des intéressés. En d’autres termes, tout contact avec un juge dans le cadre d’une procédure pénale, depuis l’examen d’une demande de mise en liberté jusqu’à la phase de jugement, pouvait se dérouler par écran interposé, sans que la personne puisse s’y opposer ni que le juge soit contraint d’une quelconque manière.

Dans sa décision, rendue dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir engagé par le Syndicat de la magistrature (SM), le Syndicat des avocats de France (SAF) et l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), le Conseil d’Etat a considéré que l’article 2 portait atteinte à l’article 6 de la CEDH qui garantit le droit à un procès équitable.

Extrait :

« 12. Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020 permettent au juge d’imposer au justiciable le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales. Elles ne soumettent l’exercice de cette faculté à aucune condition légale et ne l’encadrent par aucun critère. Eu égard à l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique du justiciable devant la juridiction pénale, ces dispositions portent une atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que ne peut justifier le contexte de lutte contre l’épidémie de covid-19.

13. Il résulte de ce qui précède que l’article 2 de l’ordonnance attaquée doit être annulé en tant qu’il permet le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties. Toutefois, une annulation rétroactive de ces dispositions méconnaîtrait, par la remise en cause des décisions et des mesures ayant été prises sur leur fondement, les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives, ainsi que l’a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 juin 2021. Dans ces conditions, il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l’annulation et, compte tenu de ce que ces dispositions ont été abrogées par le 1° du IV de l’article 8 de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, de prévoir que les effets de ces dispositions doivent être regardés comme définitifs ».

Le droit d’être présenté physiquement à son juge

Pour le Syndicat de la magistrature,  c’est une avancée. « Le Conseil d’Etat s’aligne sur la position maintenant constante du Conseil constitutionnel et  reconnait l’importance de la présentation physique devant son juge, en particulier en matière pénale, se félicite Sophie Legrand, secrétaire général du SM.  C’est une confirmation du fait qu’il s’agit d’un principe fondamental auquel on ne peut déroger que de manière proportionnée. Il ne faut pas oublier cependant que le Conseil constitutionnel voit dans le recours à cette technique un « bon usage des deniers publics ». C’est d’ailleurs pour cette raison que la visioconférence est largement autorisée pour les demandes de mises en liberté qui peuvent être présentées en nombre illimité, cela économise des frais d’escorte et limite l’embolie dès lors qu’elles sont sous-évaluées par rapport aux besoins »